Les pratiques de détente par l’eau chaude existent depuis l’aube de l’humanité. Leur persistance à travers le temps et présence partout sur la terre sont en effet le signe qu’elles répondent à un besoin essentiel. Cependant, comment expliquer en termes plus précis et techniques les bienfaits de l’eau sur notre corps et notre esprit? Ce besoin est-il uniquement associé au plaisir qu’elles procurent ? Y a t-il une véritable explication objective à ce phénomène de « sanitas per aquam »?
D’hier à aujourd’hui, et partout sur la planète, les hommes ont recours à l’eau dans un but thérapeutique.
Une médecine ancestrale
L'utilisation de l'eau dans le cadre d'un soin, pour le bien-être global et même pour un traitement précis ne date pas d'hier.
Dans l’Antiquité, l’alternance des bains chauds et froids dans un but curatif était préconisée par la médecine. C’est d’ailleurs pour ses patients les plus anxieux qu'Hippocrate, au Ve siècle av. J.-C. avait recours à l’hydrothérapie.
Complexe thermal de Bath, Angleterre. Les thermes ont été construits par les Romains au Ve siècle sur un site servant déjà de sanctuaire aux Celtes en raison de la présence d'eau chaude. Photo Pixabay.
C’est dans cette tradition que s'inscrit Sébastien Kneipp (1821-1897), un prêtre allemand, appelé en son temps « docteur de l'eau », suite aux nombreuses guérisons qu'il avait obtenues grâce à ses cures d'eau. Dans son traité d'hydrothérapie, Il identifie trois fonctions de l’eau : résoudre les substances morbides, les éliminer du corps, et fortifier l’organisme. Sébastien Kneipp recommandait les bains chauds ou froids, du corps entier ou de certaines parties, selon les pathologies. Pour se prémunir des maladies et se renforcer, il préconisait à trois reprises, l’immersion dans l’eau froide (1 minute) après 10 minutes de bain chaud.
Sébastien Kneipp, naturopathe autodidacte. Il a développé sa méthode après s'être guéri lui-même de la tuberculose par des bains d'eau froide. Photo Wikipedia
Ces pratiques de soin par l'eau se sont développées pour devenir aujourd'hui ce que nous nommons hydrothérapie, thermalisme, spa. Cependant, elles sont un héritage de gestes très anciens en lien avec la religion, les rites de passage, la vie sociale et même l'hygiène. Certaines cultures de par le monde ont conservé ces pratiques, les ont perpétrées à travers des traditions et des coutumes bien établies.
À l’entrée des sanctuaires shintos, les fidèles doivent se laver les mains et se rincer la bouche. Photo Pixabay
Un élément clé dans le secret de longévité des Japonais?
Au Japon, la fréquentation des onsens (sources thermales d’eau chaude) et des sentôs (bains publics) est restée bien ancrée dans les habitudes. C’est pour cette raison que le docteur Shinya Hayasaka, docteur en médecine, spécialiste de la balnéothérapie et chercheur à l’Université de Tokyo, s’est intéressé à ce phénomène afin de mieux comprendre, en termes médicaux, les avantages que procure la pratique régulière des bains chauds. Ce dernier a mené depuis 25 ans des expériences sur plus de 40 000 sujets afin d'observer les effets du bain prolongé sur la santé. En dehors des bienfaits procurés par les minéraux contenus dans l’eau d’origine volcanique, le docteur Hayasaka démontre une relation de cause à effet entre le bain et le bien-être tant psychologique que physiologique.
Le docteur Shinya Hayasaka regroupe sous 4 grands thèmes les actions exercées par l’eau sur le corps immergé dans un bain.
- L’action la plus importante relevée est en lien avec l’effet provoqué par la chaleur de l’eau sur la circulation sanguine, c'est-à-dire, l’hyperthermie. Celle-ci provoque la dilatation des vaisseaux sanguins et l’augmentation du flux sanguin et réduit la pression artérielle. Cette circulation du sang assure ainsi une meilleure distribution d’oxygène dans le corps et l’élimination des toxines par la peau. La sudation, qui stimule le métabolisme, rafraîchit l'organisme.
De plus, il a observé que des bains supérieurs à 38°C ont des effets sur le système nerveux sympathique et parasympathique, favorisant la relaxation et le sommeil. À ces effets, s’ajoutent la réduction de la sensibilité à la douleur et l’augmentation de la souplesse.
- Le docteur a également relevé les effets bénéfiques de la flottabilité dans l’eau. En apesanteur dans l’eau, le poids du corps est considérablement réduit, ce qui permet de diminuer par la même occasion la tension musculaire.
- L’effet de la pression hydrostatique exercée par l’eau sur le corps est comparable à l’action d’un massage, ce qui permet d’augmenter le flux sanguin à travers les veines, augmentant ainsi le débit cardiaque et améliorant le métabolisme.
- L’effet psychologique ressourçant et le sentiment d’intimité ne sont pas négligeables, car l’environnement du bain permet de rompre avec le cadre stressant de la vie de tous les jours.
Le docteur Hayasaka émet d'ailleurs une recommandation importante pour profiter au mieux du temps du bain. Il a ainsi développé une pratique de respiration et de méditation pour amplifier l’effet de la relaxation, insistant que nous pouvons intervenir subjectivement dans ce processus par « la conscience du moment du bain ».
Photo pexel.com
Les pratiques thérapeutiques en lien avec l’eau existent depuis l’Antiquité. Qu’elles se déroulent dans des centres thermaux, des bains publics ou des centres aquatiques, leur importance pour le bien-être, la détente, et la vie sociale sont indéniables.
Aujourd’hui, le lien entre les maladies et le stress a clairement été établi par le monde médical. Ainsi, le rapport entre les bains et la diminution du stress et par conséquent, la préservation d'un système immunitaire en bonne condition, est heureusement, bel et bien une réalité. Pourquoi s’en priver?
Sources :
Olivier Dubois, 170 ans de recours aux soins hydrothérapiques : l’apport des thermes de Saujon, 2022; https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003448722003055
I Love Yu! Japanese Bath Houses, Hot Springs, and How to Soak Up the Benefits at Home; https://www.youtube.com/watch?v=2P5Kch5PEkA
https://hayasakashi.wixsite.com/bath/----contact
Arienne King, Vieillir dans la Grèce et la Rome Antiques, https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2475/vieillir-dans-la-grece-et-la-rome-antiques/
Sébastien Kneipp, Ma cure d'eau pour la guérison des maladies, 1897.
Par Marie Renier