Le Sento spa est sis dans l’ancienne villa de Andrew Denaston Breakey
La magnifique villa dans laquelle vous entrez lors de votre visite au Sento spa fait partie de l’important patrimoine bâti légué par les Breakey à Breakeyville. Il comprend encore quelques demeures cossues d’intérêt architectural et patrimonial, attestant de la réussite de cette famille d’origine irlandaise dans le commerce du bois, entre la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle. Trois générations de Breakey se sont succédé à la direction de l’entreprise, y apportant chacune leur propre contribution.
Andrew Denaston Breakey (1870-1949), premier propriétaire de notre manoir, est l’un des fils de John Breakey (1846-1911) et le petit-fils de Hans Denaston Breakey. C’est grâce à ce dernier que tout a commencé à Breakeyville, en 1846. Après un naufrage survenu dans le golfe du Saint-Laurent alors qu’il voulait émigrer en Nouvelle-Angleterre, H. D. Breakey se retrouve à Lévis où il commence à se former au travail du bois dans un chantier naval de Pointe-Lévy. Il y reste quelque temps avant de venir s’installer dans notre petit village, alors appelé « Chaudiere Mills », en raison de la présence d’un petit moulin à grain situé sur le ruisseau Samson, et y fonde une scierie.
John Breakey, son fils, a significativement participé à la réussite de l’entreprise familiale. Cet homme d’affaires s’est aussi distingué parmi l’élite financière de Québec en tant qu’actionnaire de la compagnie de téléphone de Québec et président de la Banque de Québec. Après la mort de John, ses fils reprennent l’entreprise et Andrew Hans Denaston Breakey (1870-1949), surnommé Buzzie, en assume dès 1920 la présidence.
Denaston Breakey à gauche, John Breakey en deuxième place en partant de la droite. Collection Alan et Michael Breakey, Société d'Histoire de Sainte-Hélène-de-Breakeyville.
L’existence de la villa est en lien avec une entreprise de renommée à Lévis durant la période industrielle
Cette belle et majestueuse demeure a pu être construite grâce à la prospérité des activités de l’entreprise Breakey qui se déroulaient non loin de là. Des vestiges d’un moulin à écorcer, d’un moulin de bois de pulpe, des engrenages, et l’ancien bureau sont encore visibles le long de la rivière Chaudière et sont des témoignages uniques de scieries de la période industrielle.
Active jusqu’en 1947, l’entreprise Breakey aura laissé son empreinte sur le commerce du bois au Québec. Au début du XXe siècle, elle est l’une des plus grosses usines de planche d’épinette dans la province, selon l’historien James Elliott Defebaugh. De 1846 à 1947, cette industrie est la deuxième en importance à Lévis.
L’histoire des Breakey commence en 1846, lorsque Hans Denaston Breakey (1809 -1863) s’installe en bordure de la rivière Chaudière et construit un moulin à scie. Cette entreprise connaît une croissance importante lors de la reprise des activités par son fils John Breakey après son décès. C’est alors qu'une remarquable organisation se met en place, impliquant plusieurs phases de production telles que la coupe du bois en Beauce durant l’hiver, son déplacement par flottage au printemps sur la rivière Chaudière jusqu’au moulin de Chaudière-Mills pour y être scié, et enfin son transport jusqu’au bassin de la Chaudière à Saint-Romuald, pour être envoyé par bateau en Grande-Bretagne. En 1883, l’entreprise Breakey fait même construire une ligne de chemin de fer privée reliant son usine à Chaudiere-Bassin afin de transporter le bois coupé et écorcé.
Cette voie de chemin de fer n’est autre que la piste cyclable actuelle longeant la rivière Chaudière. En 1895, un véritable village prend forme autour des installations Breakey. L’entreprise abandonne ses activités de bois de sciage en 1922 et se tourne vers l’exploitation du bois de pulpe. En 1947- 48, la compagnie réoriente ses activités et construit un moulin à pâte, qui deviendra en 1984 une usine de désencrage, sous la direction de Cascades.
Moulin de sciage en 1917. Société d'Histoire de Sainte-Hélène-de-Breakeyville
Une villa d’une grande valeur architecturale et patrimoniale
Au milieu du 19e siècle, de nombreuses villas voient le jour en banlieue de Québec, signe de la présence d’une classe bourgeoise enrichie par des activités industrielles, notamment l’exploitation du bois. Construite vers 1904, la villa où se trouve le Sento Spa serait la plus ancienne de Breakeyville. Probablement bâtie avec les madriers coupés dans la Beauce et sciés au moulin en contrebas, cette maison présente de grandes qualités architecturales.
La villa présente un assemblage de divers styles (vernaculaire américain, néoclassique québécois, victorien), indiquant une possible construction en plusieurs étapes. Il se peut qu’une petite maison ait été agrémentée au fil du temps, remise au goût du jour selon les modes. La bâtisse possède quelques attributs architecturaux bien particuliers, comme un pignon, un solarium, une galerie, plusieurs espaces fenestrés, des balcons, un clocher. Ces éléments courants dans l’architecture victorienne, permettent à l’occupant d’observer, depuis le confort de sa résidence, la nature environnante. À cette époque industrielle où le paysage est en pleine transformation, cette classe bourgeoise est en quête de tranquillité et de nature.
Même si peu d’éléments de l’époque des Breakey ont subsisté, il est indéniable que cette villa comportait à l’époque un important patrimoine mobilier et artistique. Lors du décès de son premier propriétaire survenue en 1949, Denaston Breakey, une mise à l’encan, parue dans le journal Le Soleil en 1953, annonçait une liste impressionnante de biens luxueux que seule cette classe bourgeoise pouvait posséder.
Cette maison victorienne inspire et dégage une atmosphère d’antan. Même si le mobilier d’origine n’est plus là et que les nouveaux aménagements intérieurs sont au goût du jour, on y trouve encore des éléments rappelant son lien à l’époque victorienne, tels que moulures, armoires vitrées, calorifères en fonte, baies vitrées de forme arrondie.
La villa aujourd'hui, alors qu'elle abrite le Sento Spa
Une villa en lien avec la fondation de Breakeyville
Le vocable de Breakeyville est bien évidemment attribué à ce village en raison de la présence des Breakey. La construction de la maison correspond à la période la plus prospère des activités économiques du moulin, mais elle coïncide également avec la fondation de la paroisse de Breakeyville en 1909. En effet, la présence de plus en plus importante d’ouvriers dans le village nécessite la construction d’une église. Avec le soutien financier de la famille Breakey, la paroisse est érigée et prend le nom de Sainte-Hélène-de-Breakeyville, en référence au nom de Helen, l’épouse de John Breakey. On peut véritablement avancer que sans la présence de cette famille, le village ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui! En fait, pendant longtemps, la population de Breakeyville dépendait exclusivement de l’industrie des Breakey.
Village de Breakeyville. Société d'histoire de Sainte-Hélène-de-Breakeyville
Une maison pour surveiller la drave et les activités au bord de la rivière
Par ses installations, l’entreprise Breakey a réussi à mettre à profit le potentiel de flottage et de force motrice de la rivière Chaudière. Le premier flottage a été entrepris en 1847 et la dernière drave a eu lieu en 1947. Entre ces deux périodes, John Breakey a permis la construction d’aménagements importants comme des estacades pour retenir le bois à la hauteur de Breakeyville.
Ainsi, même si cette luxueuse villa devait servir de lieu de vie de famille à ses habitants, elle était aussi un poste d’observation pratique des activités lucratives qui se déroulaient non loin de là, en contrebas. La végétation, en moindre présence à l’époque, permettait à ses propriétaires de surveiller les opérations. Une ancienne domestique au service des Breakey affirme que depuis la galerie en haut, avec des longues-vues, on voyait la rivière Saint-Étienne, le moulin et la voie de chemin de fer.
De nombreuses ouvertures, dont celle du clocher avec une terrasse, permettent à l'occupant d'avoir une vue surplombant la rivière
Une maison à vocation religieuse
Après le décès de Denaston Breakey, sa veuve cède à faible prix la maison à une communauté religieuse. En 1953, les sœurs de la Charité-de-Saint-Louis en font une maison de repos et de convalescence. Elle devient plus tard un foyer pour sœurs étudiantes, puis une seniora. Elle est baptisée la Villa Saint-Louis et son clocher revêt une croix.
Après 34 ans, la maison est vendue. Encore aujourd’hui, on peut retrouver dans les nombreux placards de la maison, soigneusement placées et jamais dérangées, des amulettes et prières de protection contre les incendies.
La villa Saint-Louis lorsqu'elle était habitée par les soeurs de la charité-de-Saint-Louis. Société d'Histoire-de-Sainte-Hélène-de Breakeyville.
Une maison pour célébrer
En 1987, la famille Simard achète la villa avec le projet d’en faire une maison de repos. Cette vocation est finalement changée pour une orientation plus festive et les lieux sont alors voués à accueillir des réceptions et des repas d’affaires. En 2003, la famille Lachance en devient propriétaire et si elle conserve sa vocation, la villa devient l'auberge familiale Lachance. Beaucoup de couples se sont mariés dans l'ancienne villa Saint-Louis et témoignent avec émotion le souvenir de leur célébration dans cette demeure lors de leur visite au Sento spa.
Maintenant que vous connaissez presque tout sur l’histoire de la maison qui héberge le Sento Spa, vous saurez combien ce lieu regorge d' histoires, et dont vous pourrez ressentir les vibrations lors de votre prochaine visite.
Sources :
Paule Reny Bourget, Francine Couture, Lise Couture et Diane Rousseau Roy, Sainte-Hélène-de-Breakeyville, d’hier à aujourd’hui, 1984.
Alan Ross Breakey, « BREAKEY, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 23 août 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/breakey_john_14F.html.
Couture Samson, S. (2008). Le patrimoine de la famille et des entreprises Breakey : la reconnaissance d’un héritage anglo-protestant par la communauté lévisienne. Muséologies, 3(1), 110–127. https://doi.org/10.7202/1033583ar
La Semaine Commerciale, 13 septembre 1895.